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Mieux comprendre l'innovation sociale

L’innovation sociale : formes et modes parmi d’autres…

On évoque très souvent le terme « innovation » dans nos discours, mais il faut bien avoir conscience que l’innovation revêt des aspects protéiformes et admet plusieurs visages.

En effet, il est important de retenir que l’innovation se décline tout d’abord sous deux formes.

La première, la plus courante, est ce qu’on appelle communément l’innovation incrémentale. Il faut entendre par là une voie qui consiste à produire des améliorations par petites touches et sans remettre en cause l’existant. Autrement dit, et pour faire simple, elle se caractérise par la méthode des petits pas.

La seconde, plus spectaculaire, est appelée innovation de rupture ou radicale (ou encore disruptive). Il s’agit cette fois de faire un grand bond en avant. La caractéristique majeure de ce type d’innovation, c’est que son résultat faramineux ne peut jamais être obtenu par une succession d’innovations incrémentales et celui-ci engendre par nature des bouleversements considérables. Pour donner un exemple concret que chacun est à même de saisir parfaitement : « ce n’est pas en essayant d’améliorer la bougie que l’on a inventé l’ampoule électrique », comme nous l’indique Edouard Brezin, ancien président de l’Académie des sciences. Chacun voit bien, ainsi, les bouleversements que l’ampoule électrique a produit dès qu’elle fut utilisable à grande échelle dans notre quotidien, et c’est sans parler que celle-ci a ouvert la porte à l’invention de cinéma et d’encore bien d’autres extensions non moins spectaculaires.

Après quoi, on peut commencer à citer les quelques visages de l’innovation qui sont :

  • l’innovation technologique et commerciale,
  • l’innovation organisationnelle,
  • l’innovation sociale,
  • l’innovation institutionnelle.

Sans entrer dans la complexité des définitions de chacun de ses modes, on ne se contentera ici que de donner un aperçu de ce que l’on entend par « innovation sociale ».

Petite parenthèse, point tout de même important à signaler, les chercheurs ont désormais conscience que le progrès social n’est pas attribuable au progrès technique, contrairement à une croyance populaire qui était devenue un mythe.

Cela dit, il faut savoir que d’un point de vue scientifique, l’innovation sociale est un champ en émergence et, de ce fait, la définition même de cet objet n’est pas encore clairement établie ; celle-ci reste encore une quête pour les chercheurs. Ce qui rend sa définition difficile à produire tient au fait que l’innovation sociale revêt un aspect immatériel qui, du coup, devient plus difficile à cerner et à établir qu’un objet concret comme l’innovation technologique, par exemple, en fait usage.

Si le concept d’innovation sociale peine à se stabiliser, on peut néanmoins fournir deux composantes qui contribuent à en poser l’une des branches de sa définition : d’une part, le caractère de nouveauté propre à toute idée d’innovation, et d’autre part, l’impact mesurable d’une finalité sociale.

Ainsi la meilleure acception que l’on puisse en avoir nous vient du Québec — qui reste un territoire précurseur en la matière — où Louise Dandurand [2005] qualifie l’innovation sociale de cette façon : « toute nouvelle approche, pratique, ou intervention, ou encore, tout nouveau produit mis au point pour améliorer une situation ou résoudre un problème social et ayant trouvé preneur au niveau des institutions, des organisations, des communautés. » Vue sous cet angle, on remarque que l’impératif de reconnaissance devient dès lors un pilier essentiel.

A partir de cette identification, le concept d’entrepreneuriat social commence à voir le jour dans le courant des années 1980-90. L’entrepreneuriat social serait d’abord l’expression d’un état d’esprit et serait le fait de quelques personnalités individuelles quelque peu visionnaires, agissant de façon héroïque et animées par un esprit entrepreneurial hors du commun. Il faut entendre par là : « quelqu’un qui met ses qualités entrepreneuriales au service de la résolution d’un problème social et/ou environnemental à grande échelle. Quel que soit le domaine où il s’engage, l’Entrepreneur social se donne comme critère majeur de réussite l’ampleur de son impact sur la société » [http://france.ashoka.org/lentrepreneuriat-social. Ashoka est une association créée en 1980 dont l’objet est de promouvoir l’entrepreneuriat social]. Dès lors, on peut commencer à parler d’entreprise sociale.

Souvent, elle prend naissance lorsqu’il faut combler des nécessités pour lesquelles l’action publique se révèle inefficace.

On oppose parfois le « changement social », opérant par de petites modifications dans la continuité des actions en place sur le terrain, à la « transformation sociale » qui, elle, s’attache plutôt à désigner les formes de ruptures avec les pratiques existantes au sein d’un contexte établi ; c’est-à-dire à ce qui relève d’une solution hors normes face au problème en question. Il s’agit donc là d’une conception centrée sur la recherche de ruptures innovantes vues comme des leviers réels de transformation sociale.

Au fondement de l’innovation sociale, il y a toujours une aspiration sociale. Celle-ci se caractérise par une volonté de faire autrement face à une insatisfaction et peut correspondre à la projection d’un idéal à atteindre, celui-ci agissant rétroactivement comme un moteur sur les acteurs porteurs de projets.


Pour conclure, on pourrait dire que l’innovation sociale est un processus, qui conduit généralement à un résultat qui, lui-même, appelle à un déploiement. Ce dernier nécessite un apprentissage tant au niveau des individus que des organisations pour finalement se transformer en un essaimage.

De toute évidence, cet ensemble d’évènements nécessite un temps long pour être mis en œuvre et aboutir à un dénouement décisif. Cette temporalité qui parfois dépasse largement une vie humaine est probablement l’un des éléments les plus intangible dans l’appréciation du phénomène d’innovation sociale.

Car, c’est souvent à l’occasion des grandes crises que surgissent des innovations sociales de rupture qui permettent d’engendrer d’importantes transformations sociales.

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